En quoi la révolution sandiniste et la rébellion zapatiste sont-elles comparables ? L’une et l’autre procèdent d’une insurrection historique contre l’ordre établi, menée par un mouvement populaire en butte à un régime de domination ankylosé. Le 19 juillet 1979 à Managua pour la première, le 1er janvier 1994 à San Cristobal de Las Casas pour la seconde. Quinze ans à peine et environ 1 000 kilomètres séparent les deux « momentums ». Les dénominations mêmes des acteurs moteurs de ce double bouleversement politique – le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) au Nicaragua et l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dans le Chiapas mexicain – accusent plus qu’une filiation structurale. Et tant le FSLN que l’EZLN annoncent dans leurs premiers écrits programmatiques le socialisme comme l’horizon à atteindre.
Entre les deux, pourtant, de multiples différences – sociologiques, culturelles, politiques, organisationnelles – en viennent presque à opposer les deux expériences. L’une serait plutôt étatiste, « verticaliste » et tendrait à prôner le changement « par le haut », là où l’autre, plus autonomiste et « horizontale », pencherait pour une transformation « par le bas ». Aux différents registres de l’émancipation – républicain, nationaliste, socialiste, chrétien, tiers-mondiste – convoqués par les sandinistes et repris par les zapatistes, ces derniers y ajoutent le féminisme – bien plus résolument que leurs prédécesseurs –, l’écologisme, le communalisme, le différentialisme… « Égaux et différents », revendiquent les encagoulés du Chiapas. Et plus récemment, « égaux·ales et différent·es ».
Chez les sandinistes – entre 1979 et 1990, durant leur décennie au pouvoir – comme chez les zapatistes – de la fin des années 1990 à aujourd’hui –, la forme organisationnelle coopérative occupe une place déterminante dans l’administration de la vie quotidienne, en matière de production économique notamment. Sur quels principes et modalités d’action les pratiques sandinistes et zapatistes en la matière peuvent-elles se rejoindre ? Sur quels idéaux et méthodes se distinguent-elles ? Les contextes dissemblables et les adversités diverses auxquels les deux expériences ont eu affaire suffisent-ils à expliquer leurs destins et bilans respectifs ?
C’est à ces questions que cet article tente de répondre, en s’appuyant largement et presque exclusivement sur les apports et les analyses actuelles de neuf personnalités clés – cinq sandinistes, quatre zapatistes –, à la fois actrices et observatrices de premier plan de l’une des deux expériences. Toutes, universitaires engagées, ont côtoyé de près, voire participé à l’histoire des coopératives sandinistes ou zapatistes, en mettant directement ou indirectement leur science à leur service.
Nous avons demandé à chacune d’elles de nous éclairer, premièrement, sur l’importance quantitative et qualitative des modes d’organisation coopérative développés dans le cadre de la révolution sandiniste ou de la rébellion zapatiste. Deuxièmement, sur l’idée et les principes du socialisme auxquels renvoient ces pratiques coopératives : application orthodoxe de méthodes éprouvées ailleurs ou déclinaison originale de formes d’action évolutives ? Troisièmement, sur les adversités, tant externes qu’internes, qui auront été les plus préjudiciables à ces dynamiques. Et enfin, sur le bilan global que l’on peut dresser des coopératives des révolutionnaires nicaraguayens et des rebelles chiapanèques, tant en matière de viabilité économique et d’appropriation socioculturelle que de participation politique et d’impact environnemental
Révolution sandiniste et rébellion zapatiste
Mais d’abord, rappelons sommairement, au risque de trop simplifier, les grands traits de ce qu’a été la révolution sandiniste au Nicaragua et de ce qu’est encore la rébellion zapatiste dans le Chiapas mexicain.
La première couvre la période ouverte par le renversement en 1979 de la dictature des Somoza, au pouvoir depuis quarante-trois ans, et refermée par la défaite du FSLN aux élections du 25 février 1990. Créé en 1961, le Front sandiniste de libération nationale en sera le maître d’œuvre. Organisation politico-militaire clandestine à ses débuts, devenue instrument d’exercice d’un pouvoir hégémonique dans les années 1980, puis parti politique plus classique par la suite, le FSLN adaptera régulièrement ses stratégies, voire ses orientations idéologiques, en fonction des rapports de force internes et des adversaires extérieurs à affronter ou à approcher [1].
Il est une guérilla plutôt « foquiste » dans les années 1960, sur le modèle castro-guévariste, mais se divise au milieu des années 1970, au lendemain de ses premières opérations d’envergure, en trois tendances : « Guerre populaire prolongée » (paysanne, modèle vietnamien), « Tendance prolétarienne » (urbaine, ouvrière) et « Tendance tercériste » ou « insurrectionnelle » (pragmatique, interclassiste), avant de se réunifier en 1978. Les deux premières fractions, plus marxistes et plus radicales que la troisième, donnent de facto raison à cette dernière lorsque, au terme de plusieurs mois de combat contre les troupes de Somoza, le Front sandiniste, largement soutenu par la population et avant même son entrée victorieuse à Managua, rend publique l’ouverture de la nouvelle « junte de gouvernement » à la bourgeoisie non somoziste.
Mais l’alliance fait long feu, et les sandinistes, la « direction nationale » – ses neuf commandants historiques – finissent par gouverner seuls le Nicaragua. Aux leitmotive du départ – économie mixte, pluralisme politique, non-alignement, indépendance des pouvoirs – se substitue progressivement une pratique moins démocratique, justifiée par la « sale guerre » que les États-Unis de Reagan livrent dès 1981 au « communisme nicaraguayen » par paysans « contre-révolutionnaires » interposés.
Les acquis sociaux de la période sont néanmoins réels et… controversés : campagnes d’alphabétisation et de vaccination, gratuité de l’éducation et de la santé, récupération en souveraineté nationale, réforme agraire, étatisation des moyens de production, développement des coopératives, alignement partisan des mouvements populaires, « sandinisation » de la société, édification culturelle de « l’homme nouveau »… L’ensemble non sans improvisation, rudesse et volontarisme, dans une relation de dépendance lourde au bloc socialiste.
La parenthèse révolutionnaire se referme en 1990, quand le FSLN perd le pouvoir au terme d’une élection faussée par la menace yankee de poursuivre l’agression contre le Nicaragua. Épuisée par les sacrifices consentis dans un climat de mobilisation militaire permanente, d’embargo, de pénurie et d’hyperinflation, mais aussi de mesures gouvernementales austéritaires dans les dernières années de la « révolution », une majorité de l’électorat (54,7 %) choisit d’en finir avec le sandinisme, sur fond de guerre froide crépusculaire.
Au Chiapas, dans le Sud-Est mexicain, c’est moins de quatre ans plus tard, le 1er janvier 1994, le jour même de l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (États-Unis, Canada, Mexique), que quelques milliers d’indigènes mayas, vieilles pétoires à la main, vont « déclarer la guerre » à l’armée fédérale et au « dictateur » Salinas. Leur porte-parole, le sous-commandant Marcos, est l’un des rescapés du noyau de révolutionnaires, universitaires guévaristes, entrés clandestinement dix ans plus tôt dans la région pour y créer l’EZLN et y « allumer la révolution ».
L’élan martial du Jour de l’An est vite étouffé, mais les zapatistes, désormais encagoulés « pour être reconnus », vont rester mobilisés contre vents et marées, pour « la liberté, la démocratie, la justice » et pour « la dignité ». Trois processus concomitants marquent les premières années : des négociations erratiques entre les insurgés et le gouvernement ; une stratégie de harcèlement (para-)militaire des autorités à l’égard des communautés rebelles ; une succession de rencontres détonantes avec la société civile nationale et internationale, à l’initiative des zapatistes [2].
Les trois options vont capoter. Ni le gouvernement ni le congrès n’appliqueront le seul accord signé (en février 1996) avec les commandants mayas sur le droit à l’autodétermination et le respect des cultures autochtones. La « guerre de basse intensité » menée parallèlement contre les villages zapatistes va affermir le mouvement plutôt que l’affaiblir. Et les tentatives d’articuler les gauches mexicaines dans une nouvelle dynamique organisationnelle vont crisper plus que charmer. Seul subsistera le Congrès national indigène (CNI), constitué en 1996, pour réunir à l’échelle du pays les peuples indiens en lutte contre l’exploitation et les discriminations.
Depuis plus de deux décennies aujourd’hui, les rebelles du Chiapas administrent au quotidien un régime d’« autonomie de fait », faute d’autonomie de droit, dans leurs zones d’influence, un territoire de la taille de la Belgique, mais très fragmenté politiquement. Ils tentent d’y construire « un autre monde », radicalement démocratique, anticapitaliste et en rupture avec l’État mexicain. Critique en actes du modèle dominant élaborée au fil des circonstances, leur nouvelle perspective émancipatrice – pour « la redistribution et la reconnaissance » – trouve son incarnation actuelle dans cet autogouvernement qui prétend « commander en obéissant », ainsi que dans leurs invitations intercontinentales réitérées à articuler les luttes « en bas à gauche ».
Importance quantitative et qualitative des coopératives
Pour René Mendoza [3], côté Nicaragua,
« Le coopérativisme fut l’un des principaux axes du développement rural sous le sandinisme des années 1980. Au final, il a concerné 24 % des familles paysannes sur 28 % des terres, c’est-à-dire, en données absolues, 48 503 familles sur un total de 626 500 hectares (environ 13 hectares par famille) [4]. Ce changement dans la structure foncière a eu un fort impact sur la vie des gens. Tout d’abord, la modernisation et la réduction des haciendas ont éliminé les formes précapitalistes de contrôle de la main-d’œuvre, en généralisant le travail salarié. Deuxièmement, la couche moyenne des producteurs s’en est trouvée renforcée, ainsi qu’un secteur paysan plus autonome, car la vente de terres a augmenté par crainte de les perdre et parce qu’elles sont devenues moins chères. Troisièmement, cela a aidé la paysannerie à échapper à sa marginalisation, bien qu’elle soit passée d’une dépendance à l’oligarchie à une dépendance au parti, sous de nouvelles formes de clientélisme. »
Arturo Grigsby [5] confirme :
« La promotion des formes d’organisation coopératives a fait partie intégrante de la stratégie de transformation du gouvernement révolutionnaire. Les coopératives ont constitué un vaste mouvement social et acquis un poids économique important. Elles ont représenté jusqu’à 20 % du PIB, et leur poids relatif dans l’agriculture était plus grand encore. »
Pour autant, rappelle Grigsby, mais aussi Michel Merlet [6] et Johan Bastiaensen [7],
« Une petite part de ces coopératives, de services pour l’essentiel, avaient déjà été mises en place sous le régime somoziste, avec des fonds de l’État et de la coopération officielle des États-Unis (AID) ».
En outre, relativisent Johan Bastiaensen et Peter Marchetti [8],
« Même si c’est en effet dans le secteur agricole que les sandinistes ont le plus développé les coopératives, comme produit de la réforme agraire – ce processus de redistribution (d’une partie) des terres et de refonte des formes de production –, l’organisation en coopératives n’en fut pas l’élément central. Au début en tout cas. La seule forme “socialiste” privilégiée et autorisée d’emblée, ce fut la “ferme d’État”, créée à partir des grandes propriétés confisquées aux somozistes. Le nouveau gouvernement a même démantelé les premières coopératives sandinistes (0,7 % des terres, 0,4 % des familles), constituées spontanément “par le bas” pendant la guerre contre Somoza, dans les zones libérées, par une base paysanne semi-prolétaire qui y combinait activités collectives et individuelles. »
Bastiaensen, Merlet et Grigsby reprennent :
« Ce n’est que par la suite que, confronté à la Contra – contre-révolution armée qui recrutait en milieu paysan, moyen puis pauvre, frustré par les politiques agraires révolutionnaires [9] –, le gouvernement va créer un secteur coopératif, complémentaire aux grandes fermes d’État toujours prioritaires, où apparaissent progressivement quatre types de coopératives sandinistes. »
Grigsby détaille :
« D’abord, les coopératives agricoles sandinistes (CAS) et les collectifs de travail (CT) destinés initialement aux paysans pauvres qui acceptent d’y partager collectivement la terre, les tâches et les excédents. Ensuite, la résistance des paysans à ce type de coopératives ayant obligé la politique agraire à se flexibiliser, apparaîtront les coopératives dites du “sillon mort” (CSM), où la propriété foncière reste collective, mais est divisée en parcelles travaillées par chaque famille de façon indépendante. Après la défaite des sandinistes en 1990, la parcellisation s’est généralisée et la plupart des CAS se sont transformées en CSM. »
Merlet complète :
« Parallèlement, le gouvernement révolutionnaire a beaucoup encouragé les coopératives de crédit et de services (CCS) – environ la moitié du secteur coopératif en 1985, selon Grigsby –, qui servaient d’intermédiaires entre les producteurs individuels et les services d’appui de l’État ».
Du côté du Chiapas et de la rébellion zapatiste, Dalia Barrios [10] et Peter Rosset [11] précisent d’emblée qu’il n’existe pas aujourd’hui d’information quantitative d’ensemble sur les dynamiques coopératives dans les zones d’influence du zapatisme :
« Aucune étude n’a pu y être menée. Nous en savons ce que les zapatistes nous en disent – notamment dans les brochures publiées en 2013 à l’occasion de la “petite école zapatiste”, précisément pour nous faire connaître leur quotidien – ou ce que nous et d’autres observateurs sympathisants ont pu voir épisodiquement de ces réalités. »
Pour Jorge Santiago [12],
« La forme coopérative est centrale dans l’organisation des communautés zapatistes, tout comme la libre association, la participation démocratique, la distribution des bénéfices, la propriété collective de la terre, des outils, des véhicules, des magasins… Mais c’est la notion, plus forte encore, de “travail collectif” qui prédomine dans la construction de l’autonomie, en matière productive, sanitaire, éducative, juridique, etc. La lutte pour la vie et la défense du territoire ont vocation collective. Plus qu’une forme d’organisation, la coopérative devient mode de vie, d’autogestion et de construction d’alternatives face aux mécanismes de dépossession et de discrimination qui persistent au Mexique. Le principe zapatiste du “commander en obéissant” est au cœur de la gestion collective des dizaines de milliers d’hectares de terres récupérés à la suite du soulèvement de 1994, qui sont la base matérielle qui rend l’autonomie possible. »
Jérôme Baschet [13] précise la distinction à faire entre coopératives et travaux collectifs au sein du zapatisme [14] :
« Les coopératives, qui regroupent des producteurs, visent surtout à améliorer les conditions de commercialisation de leurs produits et à éviter les intermédiaires (coyotes). Comme pour le café bio par exemple, principale production commerciale zapatiste, vendu en Europe via des réseaux solidaires, par des coopératives qui couvrent par exemple plusieurs municipalités des hauts plateaux du Chiapas et des centaines de familles. Il existe également des coopératives de femmes, notamment pour l’artisanat textile, mais aussi des coopératives de boulangerie, de commerce ou d’élevage de poulets. Le “travail collectif” – culture du maïs, élevage communal, construction collective – est plus lié à la construction de l’autonomie dans les communautés, les municipalités ou les caracoles (qui coordonnent plusieurs municipalités). Son objectif est de soutenir les promoteurs·trices de l’éducation et de la santé, les délégué·es au sein des organes du gouvernement autonome, les coûts de mobilisation de l’EZLN, les fonds municipaux qui permettent d’accorder de petits prêts, etc. Parallèlement, l’essentiel de la production pour l’autoconsommation ou pour la commercialisation est réalisé sur des terres “communales” distribuées en parcelles à usage familial, c’est-à-dire en dehors du cadre des coopératives et des travaux collectifs. Mais les formes de propriété et d’usage peuvent varier d’un caracol à l’autre. »
Peter Rosset confirme :
« La vie quotidienne des communautés zapatistes est entièrement traversée par cette double forme, coopérative ou collective, de production et de commercialisation interne et externe. D’un côté des magasins, pharmacies, cordonneries, transports coopératifs, de l’autre des travaux collectifs (élevage, maraîchage) d’appui aux services publics ou à l’épargne de la communauté en cas de coup dur, de frais sanitaires importants, de construction de nouvelles infrastructures, etc. Le produit des travaux collectifs sert en quelque sorte d’assurance sociale pour la communauté où ils sont réalisés. »
Deux idées du socialisme ?
Au Nicaragua, pour René Mendoza,
« la voie développementaliste et étatique du socialisme s’est largement imposée, en particulier dans la première moitié des années 1980. Même si, dans la seconde moitié, la voie coopérative avec des producteurs travaillant leurs parcelles individuelles a gagné des espaces, dans une acception plus démocratique du socialisme et plus mixte de l’économie. »
Pour Michel Merlet,
« Les dirigeants sandinistes avaient comme référence le modèle cubain, qui leur convenait parfaitement tant il permettait de promouvoir un modèle entrepreneurial dont ils contrôlaient les postes de direction. Redistribuer les terres aux paysans sans terre les aurait privés d’une main-d’œuvre dont ils avaient absolument besoin pour continuer, à grande échelle, la production de coton, de canne à sucre, de café, et l’élevage. Il s’agissait de faire évoluer les structures paysannes considérées comme arriérées vers des entreprises censées plus productives et seules susceptibles de servir la construction du “socialisme”. »
L’analyse d’Arturo Grigsby converge :
« Le modèle classique des réformes agraires socialistes prône la redistribution et la parcellisation des terres, suivies d’un long processus de coopérativisation et de création d’entreprises agricoles publiques. Le Nicaragua a suivi un chemin différent, inspiré par la révolution cubaine, qui avait certes commencé par la remise individuelle de terres aux paysans, mais qui a priorisé ensuite l’attribution à l’État des terres expropriées, ce qui a conduit à la formation du secteur agricole public. Il s’agissait d’éviter l’expansion du minifundisme et d’établir une agriculture intensive moderne. Au Nicaragua, le FSLN a voulu d’emblée éviter la “repaysanisation” des semi-prolétaires et des ouvriers agricoles, et profiter des économies d’échelle des entreprises et des latifundios expropriés. La logique visait à rétablir à court terme les niveaux de production d’avant la révolution et à engager une modernisation de l’économie agraire. La redistribution initiale de terres aux seules coopératives de production collective – les CAS – et la stigmatisation du morcellement répondaient à cette logique. En ce sens, l’expérience ressemble aussi à celle des réformes agraires du Chili et du Pérou, où ce type de coopératives a été encouragé pour maintenir les niveaux de production et moderniser l’agriculture avec équité sociale. »
Pour Bastiaensen et Marchetti, la priorité au développementalisme, aux entreprises d’État et aux coopératives de production – de grande envergure, dont les monocultures mécanisées, les intrants chimiques et les méthodes standardisées sont massivement imposés et financés “d’en haut” – correspond à « une interprétation orthodoxe des théories socialistes ». Il s’agit de sortir le paysannat de son arriération, de ses transmissions familiales, de sa faible productivité, de ses « réflexes individuels politiquement peu fiables », pour l’engager dans un processus collectif de modernisation des formes de la production agricole, servie par « l’homme nouveau coopérativisé ».
« La composition du modèle agraire sandiniste – entreprises étatiques sur les propriétés somozistes confisquées, secteur capitaliste subordonné à l’État, coopératives de production sous tutelle du ministère de l’Agriculture, paysans individuels restants… idéalement intégrés dans des coopératives de crédit et de services – n’a pas remis en question la prédominance agro-exportatrice héritée de l’ère Somoza, mais l’a complétée par un accent plus marqué sur la sécurité alimentaire. Les commandants sandinistes ont clairement rejeté le modèle paysan, ou la “voie russe vers le socialisme”, c’est-à-dire une voie graduelle vers des formes de production socialistes basées sur la production paysanne existante, la redistribution de la terre à ceux qui la travaillent – les paysans et les semi-prolétaires qui veulent se “repaysaniser” –, des technologies appropriées et une politique de crédit adaptée. »
Pour ce qui concerne la rébellion du Chiapas, aux yeux de Peter Rosset,
« L’idéologie zapatiste boit à toutes les sources émancipatrices qui l’ont précédée. Celles du marxisme européen, du socialisme et du communisme, celles de l’histoire des révolutions latino-américaines et mexicaine, celles des philosophies et cosmovisions mayas, pour produire une pensée hybride et une pratique spécifique, dans un processus d’adaptation sans limites des modèles antérieurs. »
Dalia Barrios confirme :
« Les formes d’organisation coopérative et collective du zapatisme sont le résultat d’un double mouvement d’adoption et d’adaptation d’un corpus pluriel de références socialistes, chrétiennes populaires et communautaires mayas. Le sous-commandant Galeano, ex-Marcos, préfère parler aujourd’hui d’une “indéfinition idéologique”, mais celle-ci est la somme de filiations passées que la rébellion zapatiste assume sans s’y réduire. »
Jérôme Baschet insiste davantage sur la mise à distance du socialisme dans les expériences coopératives en cours :
« La pratique zapatiste, du moins après 1994, ne se réfère pas au socialisme, mais à un projet collectif qu’ils appellent “autonomie”, avec ses deux dimensions de rébellion et de résistance. Ce qui est peut-être le plus lié aux modèles socialistes qui ont fait partie du processus initial de formation de l’EZLN est la tentative de pratiquer le “collectif total” (propriété et culture collectives de toutes les terres) sur les domaines récupérés. En fait, les familles pouvaient choisir entre le “collectif total” et le “collectif individuel” (propriété collective, mais culture familiale). Il semble que celles qui avaient choisi le collectif total soient revenues, après quelques années, au collectif individuel, plus proche de la tradition des terres communales (ejidales) mexicaines. Les différentes formes de travail collectif pratiquées par les zapatistes correspondent, plutôt qu’à un modèle préétabli, à la recherche de leurs propres solutions, sans plan préconçu, par essais et erreurs, selon le principe du caminar preguntando. Ces nouvelles pratiques participent d’une perspective qui cherche à la fois à assumer les pratiques communautaires antérieures et à les transformer. »
Selon Jorge Santiago,
« Les zapatistes ont tiré les leçons de l’histoire des luttes. Il y a certes des coïncidences entre leurs pratiques et d’autres expériences passées ou présentes, mais leur perspective vise à dépasser toute forme de domination, d’exploitation, d’humiliation, de dépossession et de discrimination, dans un modèle alternatif au capitalisme, participatif, équitable, pluriel, juste et respectueux de la nature. Sa nouveauté réside sans doute dans son caractère holistique, dans une démarche qui embrasse la globalité. La dynamique est antisystémique en cela qu’elle crée les conditions d’une nouvelle réalité où la participation paritaire et l’accès de tous et toutes à l’alimentation, à l’éducation et à la santé sont des priorités axiales. »
Adversités internes et externes
Pour Arturo Grigsby, le facteur le plus préjudiciable aux dynamiques coopératives du sandinisme fut à l’évidence
« la décision de l’administration Reagan de soutenir et de financer l’organisation de la Contra pour renverser le gouvernement révolutionnaire. Une guerre civile et une crise économique prolongée ont suivi, aggravées par l’embargo des États-Unis. Les régions rurales furent le théâtre de la guerre et la population civile y a subi des déplacements forcés et comptabilisé de nombreux morts. Les coopératives agricoles situées en zones conflictuelles ont souffert de pertes humaines et matérielles considérables. Et le revenu par habitant du Nicaragua avait tellement baissé à la fin de cette guerre qu’il équivalait celui enregistré dans les années 1940. »
Selon René Mendoza,
« Les facteurs internes et externes s’entremêlent. Si la perspective collectiviste vient de l’ancien socialisme étatiste de l’Union soviétique et de Cuba, le verticalisme et le clientélisme proviennent du contexte de guerre et de l’héritage colonial. Le plus dommageable est d’avoir voulu reproduire des modèles externes axés sur la théorie de la modernisation, selon laquelle les formes étatistes mènent au socialisme et les coopératives collectivistes constituent des “formes supérieures d’organisation”. C’est la même vision eurocentrique qui relègue le paysannat dans le passé et l’exclut du futur. Or, le coopérativisme n’est pas qu’économique, il est d’abord mécanisme d’apprentissage d’action collective, de citoyenneté et de construction de communautés dans leur environnement naturel. »
Aux yeux de Johan Bastiaensen et Peter Marchetti,
« La dimension la plus préjudiciable de l’expérience coopérative sandiniste lui vient de sa dépendance à un système de gestion politique, économique et sociale verticaliste et autoritaire. Ce système, d’héritage colonial, a certainement été renforcé par des logiques militaires, d’abord dans le cadre de la lutte de libération, puis dans la confrontation avec les guérillas contre-révolutionnaires financées par les États-Unis. Y aurait-il eu plus d’espace pour éviter les dérives autoritaires sans ce contexte de guerre ? La forte dépendance à l’égard des pays socialistes de l’époque, dont aucun n’avait de tradition pluraliste et démocratique, n’a pas non plus contribué à générer des inflexions moins verticalistes. Si le “socialisme tropical sandiniste” a bien tenté de donner un espace au capital privé (pas davantage intéressé par la démocratisation de la société nicaraguayenne), il n’a pas été un modèle de participation démocratique. »
Aux yeux de Johan Bastiaensen et Peter Marchetti,
« La dimension la plus préjudiciable de l’expérience coopérative sandiniste lui vient de sa dépendance à un système de gestion politique, économique et sociale verticaliste et autoritaire. Ce système, d’héritage colonial, a certainement été renforcé par des logiques militaires, d’abord dans le cadre de la lutte de libération, puis dans la confrontation avec les guérillas contre-révolutionnaires financées par les États-Unis. Y aurait-il eu plus d’espace pour éviter les dérives autoritaires sans ce contexte de guerre ? La forte dépendance à l’égard des pays socialistes de l’époque, dont aucun n’avait de tradition pluraliste et démocratique, n’a pas non plus contribué à générer des inflexions moins verticalistes. Si le “socialisme tropical sandiniste” a bien tenté de donner un espace au capital privé (pas davantage intéressé par la démocratisation de la société nicaraguayenne), il n’a pas été un modèle de participation démocratique. »
Au Chiapas, pour Jérôme Baschet,
« Les difficultés internes des coopératives zapatistes résident bien sûr dans le manque de ressources matérielles et dans la charge de travail qu’implique la participation au projet d’autonomie. Mais les adversités les plus dommageables sont sans aucun doute les agressions contre-insurrectionnelles que les communautés rebelles subissent. Ce harcèlement et ces violences sont le fait de l’armée fédérale mexicaine (surtout entre 1995 et 2000), de groupes paramilitaires dans les hauts plateaux et le nord du Chiapas (entre 1996 et 2000), de la gestion contre-insurrectionnelle des programmes sociaux de l’État, ainsi que des actions anti-zapatistes d’autres organisations paysannes alliées au gouvernement du Chiapas. Parmi celles-ci, l’Organisation régionale des producteurs de café d’Ocosingo (ORCAO), qui avait pourtant participé à la récupération de terres en 1994 avec l’EZLN, mais qui par la suite a reçu une reconnaissance officielle de ses droits sur des terres récupérées par les zapatistes. Ce qui a entraîné une longue série d’attaques contre les communautés et les familles rebelles : incendies, destruction de cultures ou de maisons, attaques contre des écoles autonomes, fusillades, enlèvements, etc. Autant d’agressions très préjudiciables aux efforts d’amélioration des capacités productives de l’autonomie zapatiste. »
Dalia Barrios, Peter Rosset et Jorge Santiago pointent également les stratégies contre-insurrectionnelles des autorités mexicaines et les agressions d’organisations paysannes voisines comme la difficulté principale qui pèse sur l’économie solidaire zapatiste. Pour Peter Rosset, « quel que soit le parti au pouvoir depuis 1994 – PRI, PAN, PRD, MORENA… –, les attaques contre le zapatisme n’ont pas cessé. Et, preuve de la réussite des coopératives rebelles, leurs entrepôts, faciles à incendier des chemins qui passent à proximité, sont les premiers visés ». Et Jorge Santiago de poursuivre :
« Le harcèlement auquel se livrent les organisations soutenues par l’État – saccage des cultures, vols, etc. – a pour but de provoquer les zapatistes, de les obliger à répliquer violemment et, partant, de justifier une intervention de la Garde nationale et une militarisation des communautés. Certes, l’EZLN ne tombe pas dans le piège, mais son projet d’autonomie émancipatrice est sous pression constante. Car il faut y ajouter les fortes tensions à l’œuvre dans le Chiapas du fait de la présence de cartels de la drogue, de la chasse aux migrants et des collusions entre autorités et trafiquants. Enfin, les effets du changement climatique et la pandémie compliquent aussi le quotidien de la rébellion. »
Bilan des coopératives sandinistes et zapatistes
Pour Arturo Grigsby,
« En dépit du fait que les coopératives agricoles sandinistes aient eu finalement peu de temps pour se consolider identitairement et économiquement, et qu’en outre l’État révolutionnaire les ait encouragées à adopter des technologies subventionnées à forte intensité d’intrants et de capitaux, caractéristiques de la “révolution verte”, sans se soucier de leur impact environnemental, le mouvement coopératif a réussi à se renouveler ces dernières décennies. Bénéficiaires d’un accès à la terre et au crédit pendant la période révolutionnaire, elles ont réussi par la suite à forger des alliances avec des ONG de commerce équitable et à établir des liens avec le privé. Et ce, malgré la profonde réforme néolibérale qui a induit la dépossession de centaines de paysans de leurs terres et restreint drastiquement l’accès au crédit. Les structures coopératives ont évolué. Les coopératives de premier niveau – dont les membres sont des personnes – se sont associées en coopératives de second niveau, pour la transformation et l’exportation de leurs produits. Elles ont également constitué des fédérations pour influer sur les politiques. Au milieu de la dernière décennie, on dénombrait 821 coopératives agricoles avec environ 42 000 membres. »
René Mendoza rappelle :
« Les coopératives de production sont nées au cours d’une décennie de révolution face à une guerre financée par les États-Unis. Imposées verticalement et à des fins militaires, elles sont les enfants d’un contexte adverse. Mais la force des paysans a réussi en partie à les transformer, à gagner des espaces pour des changements positifs, à récupérer en souveraineté paysanne sur la logique collectiviste. Si beaucoup ont adhéré ou se sont subordonnés à l’approche du gouvernement, de nombreuses familles ont aussi vu dans ce processus la possibilité de posséder des terres, du bétail et du café, auxquels elles n’auraient jamais eu accès autrement. »
Le bilan qu’en dressent Johan Bastiaensen et Peter Marchetti est plus négatif :
« L’apport du sandinisme à l’idéal coopérativiste est clairement défavorable. Hors du contrôle du ministère de la Réforme agraire, presque toutes les coopératives se sont désintégrées en quelques mois, de diverses façons : parcellisation, abandon, vente des terres ou appropriation des meilleures par des cadres sandinistes locaux. La faiblesse de l’organisation interne et sa dépendance à une autorité verticale ont induit une forte corruption et une politisation inévitable. Le tout constitue depuis lors un modèle-repoussoir pour le paysannat, malgré les avantages de la forme coopérative dans certaines conditions. Le FSLN des années 1980 a laissé au Nicaragua le mouvement coopératif le plus faible d’Amérique centrale. En matière de viabilité économique, d’appropriation socioculturelle et de participation démocratique, les CAS impulsées par le gouvernement révolutionnaire ont enregistré un triple échec. »
Et Michel Merlet conclut :
« En caricaturant un peu et en résumant beaucoup, le projet de coopératives du FSLN a été l’exact opposé d’un projet de développement fondé sur la petite production paysanne. Or, à nos yeux, nous le disions déjà à l’époque, la révolution ne pouvait se consolider que si elle s’appuyait véritablement sur les paysans. En réalité, la redistribution des terres de la réforme agraire aux petits producteurs a lieu surtout après la défaite électorale du Front sandiniste en 1990, par le biais de la parcellisation des coopératives. La Fédération nationale des coopératives (FENACOOP) n’est créée qu’à cette date, au sein de l’Union nationale des agriculteurs et des éleveurs (UNAG), syndicat fondé par le FSLN en 1981. Elle perd ensuite beaucoup de membres, mais d’autres fédérations de coopératives ont vu le jour. Elle est dissoute en septembre 2015 par le gouvernement d’Ortega (revenu au pouvoir en 2007), après avoir bénéficié des aides du Venezuela. »
En ce qui concerne la rébellion zapatiste, pour Peter Rosset, il n’y a pas débat :
« Le bilan des coopératives et travaux collectifs penche fortement du côté positif. Le différentiel productif entre les communautés indigènes rebelles et les autres qui les côtoient – aucune municipalité n’est à 100 % zapatiste – est évident. Dépendantes des aides publiques, les secondes achètent plus (notamment aux premières d’ailleurs !) qu’elles ne produisent. Elles sont aussi source de plus d’émigration que leurs voisines zapatistes. Malgré le manque de données recoupées, on estime à environ 300 % l’augmentation de la production alimentaire du côté des rebelles depuis le début du régime d’autonomie. L’appropriation socioculturelle est totale, la vie quotidienne y repose sur la participation paritaire aux travaux coopératifs et collectifs. Et l’agroécologie qui y est promue a permis d’enrayer la dépendance, pas encore complètement mais presque, aux intrants chimiques. Un échec à signaler : celui d’une coopérative de café accusée d’irrégularités comptables. »
Jérôme Baschet va dans le même sens :
« Le bilan est clairement positif. Il a permis aux communautés zapatistes d’augmenter et de diversifier leurs capacités productives, ainsi que de soutenir l’organisation de l’autonomie : l’autogouvernement, la justice, l’éducation, la santé, etc. Et ce, malgré certaines limites et insuffisances dont les rebelles font état eux-mêmes. Leur dépendance partielle aux circuits de distribution traditionnels, notamment pour la vente de bétail, est un souci. Cela étant, vu qu’ils rejettent toute intervention de l’État et que les soutiens solidaires sont assez limités, la plupart des résultats obtenus dans l’organisation coopérative et collective sont dus à leurs seuls efforts. Certains projets ont certes échoué, mais la proximité entre les méthodes d’organisation et les coutumes du travail communautaire a facilité l’appropriation, au lieu d’être perçues comme une imposition. La supervision locale des travaux des municipalités et des caracoles est un autre canal de participation et un facteur supplémentaire d’appropriation. Les collectifs et coopératives de femmes, outre leur finalité productive, ont aussi été conçus comme outils favorisant l’auto-organisation, l’exercice de responsabilités et la prise de parole en public. En matière environnementale, les pratiques agroécologiques prédominent au sein des coopératives et des collectifs, mais l’orientation vers l’élevage dans les caracoles de La Realidad et de La Garrucha, ne semble pas être la meilleure option. »
Pour Jorge Santiago,
« Les succès zapatistes de ces vingt dernières années résident dans la continuité de leurs collectifs de production, en dépit des agressions externes – politiques et climatiques – subies. La récupération et la défense de leurs propres semences agricoles, le rendement des cultures malgré les parasites, les inondations et les sécheresses, le doivent aux modalités de travail collectif appliquées. L’organisation coopérative leur a permis de faire face, là où d’autres paysans, surtout parmi les jeunes, ont dû décider de migrer. La dynamique est durable, parce qu’inscrite dans des processus communautaires d’échange et de partage des responsabilités. »
Et Dalia Barrios d’ajouter :
« Les zapatistes ont fait la preuve que leur rejet de l’État n’était pas un rejet du politique, mais un refus des politiques d’exploitation et de discrimination. Leurs propres institutions autonomes et les formes d’organisation coopératives et collectives développées leur ont substitué des politiques de démocratisation et de participation radicales et paritaires. »
Conclusion
À l’évidence, si les deux luttes de libération abordées – la révolution sandiniste et la rébellion zapatiste – partagent, vues de loin, un même air de famille historico-idéologique, les expériences coopératives qu’elles ont promues en leur sein renvoient à des réalités qui tendent à se distinguer à mesure qu’on les approche. Et l’imputation des différences qui les séparent aux seuls contextes nationaux et internationaux qu’elles ont eu à affronter ne suffit pas à en expliquer la nature. Au-delà donc du caractère national du pouvoir exercé par les sandinistes au Nicaragua versus le caractère localisé des communautés sous influence zapatiste au Mexique, et au-delà de l’enjeu de la révolution nicaraguayenne pour l’administration Reagan et de la rébellion chiapanèque pour les gouvernements mexicains, les intentions fondamentales du FSLN et de l’EZLN en matière d’organisation coopérative divergent.
Elles divergent, pour l’essentiel, par la structure « verticale » ou « horizontale » de la démarche : modernisatrice, étatique et collectiviste d’un côté, plus adaptée, autonome et familiale de l’autre. Il s’agissait, au Nicaragua, de sortir le paysannat de son arriération et, au Chiapas, de l’émanciper de ses dominations ; contribuer au développement national sandiniste, reproduire un modèle socialiste dans un cas, améliorer la vie quotidienne zapatiste, construire une autonomie postcapitaliste dans l’autre. On objectera qu’un regard plus critique sur les « travaux collectifs » du zapatisme en révélerait la précarité et la vulnérabilité, qu’un meilleur accès aux réalités internes en dévoilerait les travers et les faiblesses. Et que, de l’autre côté, un regard moins critique sur les coopératives du sandinisme en soulignerait la dimension égalitaire, voire libératrice. Reste que, dans les deux cas, on a (eu) affaire à d’indéniables tentatives politiques et pratiques d’extraire la logique économique du modèle capitaliste dominant, qui ont connu des fortunes diverses.