La situation mondiale semble désespérante
De 2008 à 2015 s’ouvre une nouvelle séquence dans l’histoire longue de la situation mondiale. Depuis 2011, des mouvements massifs, quasi insurrectionnels, témoignent de l’exaspération des peuples. Les révoltes des peuples répondent à la crise structurelle officiellement admise depuis 2008. Elles confirment l’épuisement de cette phase de la mondialisation capitaliste. Les inégalités sociales, le chômage, la précarisation ont fait baisser la consommation populaire et ouvert une crise de « surproduction ». Le recours au surendettement a trouvé ses limites ; par l’extension des marchés financiers dérivés, il a contaminé tous les marchés de valeurs. L’explosion des « subprimes » a marqué le passage de la dette des ménages à la dette des entreprises bancaires. Le sauvetage des banques par les Etats a ouvert la crise des dettes publiques. La réduction des déficits par les plans d’austérité est supposée permettre une sortie de crise qui sauvegarderait les profits et maintiendrait la prééminence du marché mondial des capitaux et les privilèges des actionnaires.
A partir de 2013, la situation semble s’être retournée. Les politiques dominantes, d’austérité et d’ajustement structurel, sont réaffirmées. L’arrogance néolibérale reprend le dessus. La déstabilisation, les guerres, les répressions violentes et l’instrumentalisation du terrorisme s’imposent dans toutes les régions. Des courants idéologiques réactionnaires et des populismes d’extrême-droite sont de plus en plus actifs. Ils prennent des formes spécifiques comme le néo-conservatisme libertarien aux Etats-Unis, les extrêmes-droites et les diverses formes de national-socialisme en Europe, l’extrémisme jihadiste armé, les dictatures et les monarchies pétrolières, l’hindouisme extrême, etc. Mais, dans le moyen terme, rien n’est joué.
Les contradictions majeures restent déterminantes
La situation ne se réduit pas à la montée des positions de droite ; elle est marquée par la permanence des contradictions. Ce que l’on a convenu d’appeler la crise s’approfondit. La dimension financière, la plus visible, est une conséquence qui se traduit dans les crises ouvertes alimentaires, énergétiques, climatiques, monétaires, etc. La crise structurelle articule cinq contradictions majeures [1] : économiques et sociales, avec les inégalités sociales et les discriminations ; écologiques avec la mise en danger de l’écosystème planétaire ; géopolitiques avec la fin de l’hégémonie des Etats-Unis, la crise du Japon et de l’Europe et la montée de nouvelles puissances ; idéologiques avec l’interpellation de la démocratie, les poussées xénophobes et racistes ; politiques avec la fusion du politique et du financier qui nourrit la méfiance par rapport au politique et abolit son autonomie.
Dans la construction de l’avenir, trois conceptions s’affrontent : le renforcement du néolibéralisme par la financiarisation de la Nature ; un réaménagement du capitalisme, le Green New Deal, fondé sur une régulation publique et une modernisation sociale ; une rupture ouvrant sur une transition écologique, sociale et démocratique.
La première conception est celle de la financiarisation de la Nature. Dans cette vision, la sortie de la crise passe par la recherche du « marché illimité » nécessaire à la croissance. Elle fonde l’élargissement du marché mondial, qualifié de marché vert, sur la financiarisation de la Nature, la marchandisation du vivant et la généralisation des privatisations., Elle propose de marchandiser et de privatiser les services produits par la Nature et de les confier aux grandes entreprises multinationales. Il s’agit alors de restreindre les références aux droits fondamentaux qui pourraient affaiblir la prééminence des marchés et de subordonner le droit international au droit des affaires.
La deuxième conception est celle du Green New Deal, défendue par d’éminents économistes de l’establishment comme Joseph Stiglitz, Paul Krugman, Thomas Piketti et Amartya Sen souvent qualifiés de néo-keynésiens. Elle part de l’« économie verte » qu’il s’agit de maîtriser. La proposition est celle d’un réaménagement en profondeur du capitalisme à partir d’une régulation publique et d’une redistribution des revenus. Elle est encore peu audible aujourd’hui car elle implique un affrontement avec la logique dominante, celle du marché mondial des capitaux, qui refuse les références keynésiennes et qui n’est pas prêt à accepter qu’une quelconque inflation vienne diminuer la revalorisation des profits. Il faut rappeler que le New Deal adopté en 1933 n’a été appliqué avec succès qu’en 1945, après la deuxième guerre mondiale.
La troisième conception est celle des mouvements sociaux et citoyens qui a été explicitée dans le processus des forums sociaux mondiaux. Ils préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique et démocratique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, la lutte contre le patriarcat, le contrôle de la finance, la sortie du système de la dette, le buen-vivir et la prospérité sans croissance, les relocalisations, la justice climatique, le refus de l’extractivisme, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits et la gratuité. Il s’agit de fonder l’organisation des sociétés et du monde sur l’accès aux droits pour tous et l’égalité des droits.
La stratégie des mouvements définit les alliances par rapport à ces avenirs possibles. L’urgence est de réunir tous ceux qui refusent la première conception celle de la financiarisation de la Nature. D’autant que l’imposition du système dominant malgré l’épuisement du néolibéralisme porte les risques d’un néo-conservatisme de guerre. Dans la durée, et si le danger du néo-conservatisme de guerre peut être évité, la confrontation positive opposera les tenants du green new deal et ceux du dépassement du capitalisme. Les alliances concrètes dépendront des situations des pays et des grandes régions.
L’hégémonie culturelle néolibérale a été imposée
Dans de nombreuses sociétés et dans le monde, mais pas partout dans le monde, les idées de droite, conservatrices, réactionnaires progressent. Dans chaque société, se retrouvent les idées dominantes mondiales, la réalité de l’économie et de la politique mondiale et le récit du monde, relayé par une action écrasante de tous les moyens de communication comme le récit du seul monde possible.
Cette poussée de la droite et de l’extrême droite est le résultat d’une offensive systématiquement menée dans plusieurs directions. Elle a commencé par une offensive idéologique menée avec constance depuis quarante ans, qui a préparé le tournant néolibéral. Cette bataille pour l’hégémonie culturelle a porté d’abord sur trois questions : contre les droits et particulièrement contre l’égalité, les inégalités sont justifiées parce que naturelles ; contre la solidarité, le racisme et la xénophobie s’imposent ; contre l’insécurité, l’idéologie sécuritaire serait la seule réponse possible. La deuxième offensive est militaire et policière ; elle a pris la forme de la déstabilisation des territoires rétifs, de la multiplication des guerres, de l’instrumentalisation du terrorisme. La troisième offensive a porté sur le travail, avec la remise en cause de la sécurité de l’emploi et la précarisation généralisée, par la subordination de la science et de la technologie, notamment du numérique à la logique de la financiarisation. La quatrième offensive a été menée contre l’Etat social par la financiarisation, la marchandisation et la privatisation ; elle a pris la forme de la corruption généralisée des classes politiques. La cinquième offensive, dans le prolongement de la chute du mur de Berlin en 1989, a porté sur la tentative de disqualification des projets progressistes, socialistes ou communistes.
Les contre tendances sont toujours vivaces
L’offensive de l’oligarchie dominante a marqué des points mais elle ne s’est pas imposée. Les points de vue qui prônent l’émancipation restent forts et il y a même de nouvelles contre-tendances. Les mouvements qui ont commencé en 2011 à Tunis restent vivaces et se renouvellent. Les mots d’ordre sont clairs ; il s’agit du refus de la misère sociale et des inégalités, du respect des libertés, de la dignité, du rejet des formes de domination, de la liaison entre urgence écologique et urgence sociale. D’un mouvement à l’autre, il y a eu des affinements sur la dénonciation de la corruption ; sur la revendication d’une « démocratie réelle » ; sur les contraintes écologiques, l’accaparement des terres et le contrôle des matières premières.
Dans plusieurs de ces mouvements, la gauche classique est battue en brèche et des courants de droite parviennent, quelquefois, à capter la contestation de l’ordre dominant.
La violence de l’offensive néolibérale et réactionnaire montre l’ampleur des résistances. On entend parfois parler d’une droitisation des sociétés. Mais, il ne faut pas confondre la montée des idées d’extrême droite avec la droitisation des sociétés. Les sociétés résistent et restent profondément contradictoires. Les idées progressistes restent vivantes et sont portées par les luttes des mouvements. On peut même estimer que la violence des courants réactionnaires et conservateurs vient de ce qu’ils sentent que les sociétés leur échappent. Prenons un exemple. La révolution la plus ample, la plus profonde que nous vivons est celle des droits des femmes qui bouscule des rapports millénaires. De sentir cette partie essentielle des sociétés leur échapper les rend fous et se traduit par une violence inimaginable des états et des secteurs retardataires. Toutes les idées nouvelles sont vécues comme des coups de boutoir contre l’ancien monde ; avec les droits des femmes, l’approfondissement de l’égalité, la liberté de circulation, les identités multiples, l’écologie et la Nature, …
Nous le voyons aussi avec l’émergence de pensées radicales qui rompent avec les compromis de la gauche sociale libérale et qui retrouvent droit de cité. Pensons à l’exemple récent de la campagne de Bernie Sanders qui talonne Hillary Clinton dans les primaires du parti démocrate aux Etats-Unis. Il se présente ouvertement comme socialiste, cible les multinationales et refuse leur financement. La même évolution a été remarquée avec Jeremy Corbyn au Labour en Grande Bretagne. De même, il faut noter la montée en puissance d’organisations politiques qui se réfèrent aux nouveaux mouvements et qui en sont, en partie, issues. Par exemple,
Podemos en Espagne ou le Parti des gens ordinaires, l’Aam Admi, à New Delhi. Ce ne sont pas encore complètement des nouvelles formes d’organisation politique, mais elles assument que les partis doivent prendre leur part dans la réinvention du politique.
Les nouvelles formes d’engagement dessinent des avenirs
L’élément le plus déterminant est l’émergence des nouvelles formes d’engagement des nouvelles générations [2]. Le changement du rapport entre individuel et collectif est au cœur de cet engagement. Une nouvelle génération s’impose dans l’espace public à travers les mouvements qui ont constitué les forums sociaux mondiaux et se renouvelle à travers les mouvements depuis 2011 ; le renversement des dictatures, les indignés, les occupy, les carrés rouges, les taksims, etc.
Il ne s’agit pas tant de la jeunesse définie comme une tranche d’âge que d’une génération culturelle qui s’inscrit dans une situation et qui la transforme. Cette génération est plus directement inscrite dans l’espace du monde. Elle met en évidence les transformations sociales profondes liée à la scolarisation des sociétés qui se traduit d’un côté par l’exode des cerveaux, de l’autre par les chômeurs diplômés. Les migrations relient cette génération au monde et à ses contradictions en termes de consommations, de cultures, de valeurs. Elles réduisent l’isolement et l’enfermement des jeunesses.
Cette nouvelle génération construit par ses exigences et son inventivité, une nouvelle culture politique. Elle enrichit la manière de relier les déterminants des structurations sociales : les classes et les couches sociales, les religions, les références nationales et culturelles, les appartenances de genre et d’âge, les migrations et les diasporas, les territoires. Elle expérimente de nouvelles formes d’organisation à travers la maîtrise des réseaux numériques et sociaux, l’affirmation de l’auto-organisation et de l’horizontalité. Elle tente de redéfinir, dans les différentes situations, des formes d’autonomie entre les mouvements et les instances politiques. Elle recherche des manières de lier l’individuel et le collectif. C’est peut-être à ce niveau que les réseaux sociaux divers portent de nouvelles cultures, à l’instar des collectifs de logiciels libres capables de mener collectivement des luttes offensives tout en sauvegardant jalousement l’indépendance des individualités. La réappropriation de l’espace public est une revendication de souveraineté populaire. Les places renouvellent les agoras. On occupe et on échange, non pas pour le vote, toujours important mais rarement suffisant. Ce n’est pas un changement du rapport au politique mais un processus de redéfinition du politique.
Le choix qui a été mis en avant est celui des mouvements sociaux et citoyens. C’est la manière de concrétiser les différentes notions en discussion : les associations, les sociétés civiles, l’affirmation du non-lucratif et du non-gouvernemental, l’économie sociale, solidaire et participative. Les mouvements introduisent l’idée d’une évolution dynamique, d’une action politique et d’une continuité historique. Chaque mouvement combine une affirmation programmatique, des bases sociales et des actions de terrain, une mobilisation et des luttes, une élaboration et des propositions.
L’engagement dans un mouvement relie les pratiques et les théories et redéfini le collectif. Les rapports entre les mouvements sont fondés sur l’égalité et le respect de la diversité.
Dans tout engagement, il y a une recherche de dépassement. De dépassement de soi et du monde. L’engagement conduit naturellement à une réflexion sur la radicalité. Certains mouvements sont porteurs des nouvelles formes de radicalité, au niveau des thèmes qu’ils mettent en avant, des mots d’ordre, des formes de luttes, de leur communication. Par exemple, dans la nouvelle période, on peut citer les indignés, les occupy, les mouvements pour l’urgence climatique, les mouvements contre les gaz de schistes, les faucheurs d’OGM, les faucheurs de chaises des banques, les ZAD ou zones à défendre, l’accaparement des terres, l’extractivisme, etc. Certains mouvements font le lien entre les nouvelles formes de radicalité et les mouvements qui composent les forums sociaux. Par exemple, La Via Campesina, No Vox, Migreurop, les Forums contre les grands travaux inutiles imposés, les mouvements contre l’urbanisme des grands événements, etc.
Tous ces mouvements ont en commun, dans leur conception de la radicalité, le recours à des formes de désobéissance individuelle et collective, ainsi que des méthodes qui relèvent de la non-violence active. Une des figures de l’engagement radical, qui relie les nouveaux rapports entre individuel et collectif, c’est celui des lanceurs d’alerte. Par exemple Snowden qui, dans sa situation, s’engage radicalement dans une perspective collective. Le collectif se nourrit de l’engagement individuel.
Une démarche stratégique ancrée sur un projet d’émancipation
Une question s’impose : Que Faire ? La réponse implique de s’inscrire dans une démarche stratégique. Dans cette démarche il convient d’articuler le court terme et le long terme ; de répondre aux urgences et d’inscrire la réponse à l’urgence dans une perspective de long terme.
L’urgence est de résister. De résister aux valeurs mortifères, à la xénophobie, aux discriminations et aux racismes ; de résister à la casse sociale et aux inégalités ; de résister à la guerre, aux terrorismes et à l’instrumentalisation des terrorismes ; de résister au désastre écologique. Mais résister ne suffit pas. Des perspectives de long terme sont nécessaires et elles impliquent des ruptures, et d’abord une rupture avec un monde inacceptable. Une prise de conscience s’impose ; un projet est indispensable : un projet de société, un projet d’émancipation. Même pour résister, un projet alternatif et crédible est nécessaire.
Un projet d’émancipation ne se prépare pas en chambre. Il est préparé par des mouvements qui le portent. Il résulte d’une maturation des idées et d’une élaboration longue qui dégage de nouvelles valeurs. Un projet social alternatif résulte de plusieurs impératifs dialectiquement liés. Proposons d’en retenir quatre : un programme de mesures qui définissent des politiques alternatives ; une dynamique sociale portée par des mouvements sociaux et citoyens qui en constituent la base sociale et en déterminent les alliances ; l’engagement d’une bataille idéologique, de long terme et à engager tout de suite, sur les valeurs fondatrices d’une nouvelle hégémonie culturelle ; une réflexion sur les leçons historiques des projets alternatifs.
De manière paradoxale, le programme alternatif est assez bien défini. Ce programme comporte une série de mesures reconnues comme indispensables et mûries dans les forums sociaux mondiaux. Le contrôle de la finance et la socialisation des banques, la taxation des transactions financières, la remise en cause des dérives du libre-échange et du dumping social, fiscal, environnemental et monétaire, la suppression des paradis fiscaux et juridiques, etc. Ces mesures sont largement reconnues mais se heurtent au veto des dirigeants du capital financier et de ses affidés politiques. Ce programme propose ensuite une démarche de long terme, celle de la transition écologique, sociale, démocratique et géopolitique. Elle s’appuie sur des nouveaux concepts (le bien commun, le buen vivir, la prospérité sans croissance, la justice climatique, la relocalisation, la démocratisation radicale de la démocratie, …). Affirmer ce programme, le préciser, le partager n’est pas suffisant mais reste nécessaire.
Et pourtant, ce programme n’apparaît pas crédible à la société dans son ensemble et même à ceux qui devraient le porter. La question essentielle est celle de la dynamique sociale capable de le préciser et de le porter. La base sociale de ce projet est composée des mouvements qui s’engagent dans une orientation stratégique, celle des droits pour tous et de l’égalité des droits. La base sociale du projet se construit aussi à partir du projet. Elle regroupe les mouvements, ou dans chaque mouvement, ceux qui partagent les orientations stratégiques. La base la plus large est aujourd’hui formée par la convergence de tous les mouvements qui forment le processus des forums sociaux mondiaux, élargis à tous les nouveaux mouvements [3]. Ces mouvements partagent une nouvelle culture politique, de nouvelles formes d’engagement, l’exigence d’un nouveau rapport au politique.
Les questions des alliances se posent dans les différentes situations et dans les périodes. Il s’agit des alliances sociales avec les précarisés et les prolétarisés, des alliances idéologiques sur les libertés, des alliances politiques avec par exemple les néokeynésiens.
Comment se forment les évidences qui rendent possibles et nécessaires les changements. L’émergence de nouvelles valeurs s’inscrit dans le temps long. Mais, il y a des périodes de ruptures pendant lesquels des voiles se déchirent. Cette bataille pour l’hégémonie culturelle se mène dans la culture, dans l’art, dans les médias. Elle mobilise les pratiques alternatives et le travail intellectuel. Dans le même temps, les nouvelles idées, les nouvelles valeurs sont portées par les luttes et les résistances. Dans cette bataille, la question de l’égalité et du refus des discriminations, combinée à la conquête des libertés est centrale.
Un projet alternatif ne tombe pas du ciel. Il ne suffit pas de le vouloir, même si l’urgence justifie l’impatience. Un projet s’inscrit dans le temps historique qui combine le temps long et les ruptures ; entre la longue maturation des idées et l’accélération des périodes révolutionnaires. La révolution de 1789 est précédée par les Lumières, les révolutions des nationalités européennes de 1848 sont précédées par les mouvements pour l’autodétermination des peuples, le manifeste communiste par l’émergence du prolétariat et les luttes contre l’exploitation, les indépendances par les luttes pour la décolonisation, l’égalité des genres par l’égalité des droits.
Il n’est pas toujours aisé de prendre du recul par rapport à la prégnance du néolibéralisme secoué mais toujours dominant. Le temps long des mouvements donne le recul nécessaire. Le mouvement ouvrier s’est construit depuis le milieu du 19ème siècle. Il a connu une période d’avancées de 1905 à 1970. Malgré les guerres et les fascismes, il a réussi des révolutions en Russie, en Chine et dans plusieurs pays du monde ; à travers son alliance avec les mouvements de libération nationale, il a quasiment encerclé les puissances coloniales et impérialistes ; il a imposé des compromis sociaux et un « Welfare State » dans les pays du centre capitaliste. Depuis 1970, s’est ouverte une période de quarante ans de défaites et de régressions du mouvement social dans les pays décolonisés, dans les pays qui avaient connus des révolutions et dans les pays industrialisés. Les bouleversements et la crise pourraient caractériser la fin de cette longue période de régressions, sans que l’on puisse définir précisément ce qui va suivre. L’avenir est ouvert. Il y aura d’autres batailles [4]. Il y aura possiblement et probablement d’autres défaites. Mais, à partir des leçons tirées des défaites, il y aura aussi des résistances, des avancées et des victoires.