Lettre ouverte contre la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong

à Li Zhanshu
Président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (NPCSC)

Copie :
Président de la Commission des affaires législatives du NPCSC (全国人大常委法制工作委員會)
Membres de la Commission de la loi fondamentale (Basic Law) de la Région Administrative Spéciale de Hong Kong (HKSAR) (香港特別行政區基本法委員會)

Cher président Li,

Nous vous écrivons pour vous faire part de nos graves préoccupations concernant l’adoption récente par l’Assemblée populaire nationale (NPC) de Chine d’une décision formelle visant à appliquer directement à Hong Kong la législation sur la sécurité nationale. Nous demandons instamment au Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (NPCSC) de rejeter cette législation.

Bien qu’aucun détail du contenu de la loi n’ait été rendu public, la décision - ainsi que les récents commentaires de responsables chinois et de Hong Kong - laissent penser que celle-ci menacera les droits et libertés fondamentales des habitant.es de Hong Kong. Nous sommes particulièrement préoccupés par l’impact de cette loi sur Hong Kong, et notamment sa très active société civile.

Selon la décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC), la loi permettrait d’interdire les actes de "séparatisme, subversion et terrorisme" ainsi que les actes" d’ingérence" dans les affaires de Hong Kong", des termes vagues qui peuvent englober toute critique du pouvoir en place et être utilisés contre des personnes exerçant et défendant pacifiquement les droits de l’Homme.
Tam Yiu-chung, membre du Comité permanent, a déjà suggéré que celles et ceux qui s’opposent à la législation sur la sécurité nationale soient destitué.es du Conseil législatif de Hong Kong (LegCo). La directrice adjointe du Comité permanent de la loi fondamentale de Hong Kong, Elsie Leung, "n’a pas exclu" que la loi puisse même être rétroactive.

Ces dispositions sont contraires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), qui a une portée contraignante pour Hong Kong.

La loi de la République populaire de Chine définit la "sécurité nationale" de manière si large que des militant.es pacifiques, des avocat.es des droits de l’Homme, des universitaires, des membres de minorités ethniques, des journalistes et des net-citoyen.nes sont détenu.es, inculpé.es et emprisonné.es pendant des années - parfois à vie - pour des crimes définis de façon vague tels que "subversion", "incitation à la subversion", "séparatisme" et "divulgation de secrets d’État".
La répression des "ingérences étrangères" prévue par la loi est un autre terme vague qui pourrait s’appliquer à tout groupe ou individu perçu comme coopérant avec des partenaires extérieurs à Hong Kong.

En fait, le pouvoir central et celui de Hong Kong ainsi que divers responsables ont déjà soutenu que des organisations non gouvernementales (ONG) et des militant.es sont guidé.es par des "forces étrangères" et que leurs activités pacifiques - y compris participer à des manifestations, recevoir des dons et critiquer le gouvernement - constituent une "intervention étrangère".

Les normes internationales en matière de droits de l’Homme, telles que celles figurant dans les principes de Johannesburg et de Siracusa, stipulent que la "sécurité nationale" ne peut être invoquée pour justifier des restrictions aux droits et libertés, sauf pour protéger l’existence ou l’intégrité territoriale d’un État contre le recours ou la menace de recourir à la force.
Un État ne peut pas invoquer la sécurité nationale pour imposer des restrictions aux droits afin de prévenir des menaces simplement locales ou relativement isolées à l’ordre public.

Un État ne doit pas invoquer la sécurité nationale pour justifier des mesures visant à réprimer l’opposition aux violations des droits de l’Homme ou perpétrer des pratiques répressives contre sa population.

Le texte de toute loi relative à la sécurité nationale doit être libre d’accès, sans ambiguïté et formulé de manière stricte et précise afin de permettre aux individus de prévoir si un acte donné est illégal ou pas. Un État doit également prévoir des garanties adéquates et des moyens de recours efficaces contre les abus.

Sans l’obligation de se conformer au droit international en matière de droits de l’Homme, les formulations vagues du projet de loi rendent possible des abus d’autorité permettant de réprimer un large éventail de droits et de libertés.

La loi sur la sécurité nationale, telle que proposée dans la décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC) semble contenir des questions figurant dans l’article 23 de la Loi fondamentale.

Selon ses observations finales en 2013, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies a recommandé au gouvernement de Hong Kong de veiller à ce que toute nouvelle législation au titre de l’article 23 de la Loi fondamentale soit "pleinement conforme" aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR).

Le 23 avril 2020, six rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont fait part au gouvernement de Hong Kong de leurs préoccupations relatives à ses définitions trop larges et imprécises des actes de terrorisme, qui pourraient entraîner des violations involontaires des droits de l’Homme.

Les rapporteurs spéciaux ont mis en garde contre la caractérisation vague des manifestations et actes collectifs de rassemblement comme du "terrorisme" ou des "menaces à la sécurité nationale", critiquant la norme juridique nationale en vigueur comme s’éloignant des orientations fondamentales figurant dans les traités internationaux concernant le terrorisme, ainsi que la résolution 1566 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le ciblage des civils.

La décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC) d’insérer directement la législation relative à la sécurité nationale dans l’annexe III de la Loi fondamentale soulève de graves inquiétudes quant à la protection des droits de l’Homme. L’arrangement constitutionnel "un pays, deux systèmes" de Hong Kong signifie que les lois nationales de la Chine ne s’appliquent normalement pas à la Région administrative spéciale de Hong Kong.

Alors que l’article 18 de la Loi fondamentale (Basic Law) permet l’application de certaines lois nationales via l’annexe III, les lois doivent faire l’objet d’un vote du Conseil législatif ou d’une promulgation. Le projet de loi sera introduit à Hong Kong par le biais d’une promulgation et sans processus législatif, en contournant le contrôle populaire par le biais du Conseil législatif et d’une consultation publique significative.

La décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC) soulève également des inquiétudes car l’article 18 de la Loi fondamentale (Basic Law) stipule qu’une telle insertion de la législation nationale chinoise dans l’annexe III "se limitera à celles relatives à la défense et aux affaires étrangères ainsi qu’à d’autres questions ne relevant pas des limites de l’autonomie de la Région".

En vertu de la Loi fondamentale et du traité bilatéral entre le Royaume-Uni et la Chine au moment du transfert de souveraineté de Hong Kong, Hong Kong dispose d’un "niveau élevé d’autonomie".
Le gouvernement de Hong Kong dispose de pouvoirs autonomes pour gérer les affaires de Hong Kong, à l’exception de la défense et des affaires étrangères. L’article 23 de la Loi fondamentale habilite le gouvernement de Hong Kong à "promulguer des lois de son propre chef" pour interdire les actes subversifs.

La décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC) stipule également que la loi permettra au gouvernement central de mettre en place des institutions "pertinentes" pour protéger la "sécurité nationale" à Hong Kong en cas de besoin.

Bien qu’il y ait peu de détails, cela pourrait signifier la création d’organismes intervenant à Hong Kong et dépendant du ministère de la sécurité d’État et le Bureau de la sécurité nationale du ministère de la sécurité publique. Ces structures sont connues depuis longtemps pour leurs graves violations des droits en Chine, notamment la détention arbitraire et la torture de militant.es et de membres d’organisations non gouvernementales.

Le ministère de la sécurité publique a déclaré qu’il apporterait un "soutien" à la police de Hong Kong pour les questions de sécurité nationale, sans donner de détails.

Cet arrangement soulève des questions quant à sa conformité avec l’article 22, paragraphe 1, de la Loi fondamentale (Basic Law). Celle-ci prévoit qu’aucun ministère du gouvernement central ne peut s’immiscer dans les affaires de la Région administrative spéciale de Hong Kong qui s’administre seule conformément à la Loi fondamentale.

Actuellement, sur le continent, il n’existe en pratique aucun contrôle institutionnel des agences de sécurité nationale, ni aucun mécanisme efficace pour leur demander des comptes sur leurs violations systématiques des droits de l’Homme. Permettre à ces agences d’opérer à Hong Kong ou faire en sorte que des agences similaires soient mises en place par le gouvernement de Hong Kong constitue une menace imminente non seulement pour les défenseurs/euses des droits de l’Homme, les médias indépendants et les dissident.es, mais plus fondamentalement pour toute la population de Hong Kong.

La décision de l’Assemblée populaire nationale (NPC) prévoit également que "les organes administratifs, législatifs et judiciaires de la Région autonome de Hong Kong doivent, conformément aux lois et règlements pertinents, prévenir, faire cesser et punir efficacement les actes mettant en danger la sécurité nationale".

Le système judiciaire de Hong Kong a déjà connu une intensification des pressions dans les affaires "sensibles", cette orientation peut effectivement porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui est la pierre angulaire de l’État de droit à Hong Kong.

Alors que les tribunaux de Hong Kong sont depuis longtemps considérés comme indépendants et agissant avec professionnalisme, la secrétaire à la justice de Hong Kong, Teresa Cheng, a déclaré qu’un "tribunal spécial" distinct pourrait être créé pour traiter ces affaires de sécurité nationale afin "d’aider le pouvoir judiciaire à naviguer sur des territoires inexplorés".

Nous craignons que que de tels avis signifient que les suspects ne bénéficieraient pas des mêmes droits à un procès équitable que ceux existants dans le reste du système judiciaire de Hong Kong.

En Chine continentale, les suspects dans les procès pour atteinte à la sécurité nationale sont régulièrement privés des droits procéduraux accordés aux suspects ordinaires, notamment l’accès à l’avocat de leur choix et le droit à une audience publique.

Si Mme Teresa Cheng a déclaré que les audiences relatives à la sécurité nationale devraient "généralement" être ouvertes au public, elle a également déclaré que les juges pourraient "parfois" refuser aux suspects une audience publique.

Regina Ip Lau Suk-yee, membre du Conseil exécutif, a en outre suggéré qu’il ne serait pas "approprié" que des jurys existent lors de ces procès.

Nous demandons instamment au Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (NPCSC) d’abandonner les plans visant à introduire une législation de sécurité nationale pour Hong Kong.

En effet, ce que l’on sait actuellement du projet de loi, ainsi que les expériences concernant les lois de sécurité nationale en Chine continentale indiquent fortement que ni la loi, ni son application, ne seraient conformes au droit et aux normes internationales en matière de droits de l’Homme.

Nous attendons votre réponse avec impatience et vous serions reconnaissants de nous faire part de vos réponses concernant ce sujet.

Signataires :

  • 2047 HK Monitor
  • Amnesty International
  • Article 19
  • Asia Monitor Resource Centre
  • Australia Hong Kong Link
  • Baptist Oi Kwan Social Service - Fellow Workers Social Action Concern Group
  • Beyond the Boundary-Knowing and Concerns Intersex
  • Borderless Movement
  • Brisbane International Student Solidarity with Hong Kong
  • Canadian Friends of Hong Kong
  • Canberra Hong Kong Concern Group
  • China Criticism Society of Denmark
  • China Labour Bulletin
  • Chinese Human Rights Defenders
  • Chinese Human Rights Lawyers Concern Group
  • Christian Social Workers
  • Christians for Hong Kong Society
  • Citizen Power Initiatives for China
  • Citizens’ Radio
  • Civil Human Rights Front
  • Civil Rights Observer
  • Civil Society Development Resources Center
  • Covenants Watch
  • Equality Project
  • Forthright Caucus
  • Forum Worlds of Labour / Forum Arbeitswelten e.V.
  • Freedom House
  • Friends of Conscience
  • General communication worker union
  • Grassroot Cultural Centre
  • Hong Kong Affairs Association of Berkeley
  • Hong Kong Alliance in Support of Patriotic Democratic Movements of China
  • Hong Kong Christian Fellowship of Social Concern
  • Hong Kong Christian Institute
  • Hong Kong Committee in Norway
  • Hong Kong Confederation of Trade Unions (HKCTU)
  • Hong Kong Forum, Los Angeles
  • Hong Kong Human Rights Monitor
  • Hong Kong Sheng Kung Hui Welfare Council Workers Trade Union Hong Kong Unison Limited
  • Human Rights in China
  • Human Rights Network for Tibet and Taiwan
  • Human Rights Watch
  • Humanitarian China
  • International Bar Association’s Human Rights Institute
  • International Human Rights Council – Hong Kong
  • International Service for Human Rights
  • Justice and Peace Commission of the HK Catholic Diocese
  • Kwai Chung Estate Christian Basic Community
  • Labour Education and Service Network
  • McMaster Stands With HK
  • Netherlands for Hong Kong
  • New School for Democracy
  • New Yorkers Supporting Hong Kong
  • Northern California Hong Kong Club
  • One Body in Christ
  • Open Data Hong Kong
  • Planet Ally
  • Power for Democracy
  • Progressive Lawyers Group
  • Queer Theology Academy
  • Rainbow Action
  • Reclaiming Social Work Movement
  • Reporters Without Borders
  • Retail, Commerce and Clothing Industries General Union
  • Right of Abode University
  • Scholars’ Alliance for Academic Freedom
  • Sheng Kung Hui Lady MacLehose Centre Staff Social Movement Concern Group
  • Sounds of the Silenced
  • SRACP Staffs Union
  • Taiwan Alliance to End the Death Penalty
  • Taiwan Association for Human Rights
  • Taiwan East Turkestan Association
  • The Academic Staff Association of The Education University of Hong Kong
  • The Association for the Advancement of Feminism
  • The Hong Kong Society for Asylum-seekers and refugees
  • The Norwegian Taiwanese Friendship Association
  • The Norwegian Tibet Committee
  • The Rights Practice
  • Torontonian HongKongers Action Group
  • TWGHs Staff Social Movement Concern Group
  • United Nations ECOSOC NGO International Career Support Association
  • Uyghur Human Rights Project
  • Vancouver Society in Support of Democratic Movement
  • Worker Empowerment
  • World Uyghur Congress

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