Les discussions de la 11e conférence ministérielle de l’OMC s’effondrent ! Célébration de l’échec des négociations de l’OMC en Argentine - commentaires Les discussions de la 11e conférence ministérielle de l'OMC s'effondrent ! Célébration de l'échec des négociations de l'OMC en Argentine 2018-04-07T10:23:43Z https://intercoll.net/Les-discussions-de-la-11e-conference-ministerielle-de-l-OMC-s-effondrent#comment45 2018-04-07T10:23:43Z <p>C'est un sujet très difficile. Certes l'OMC a fait beaucoup de tort à l'émergence de la souveraineté alimentaire au Sud comme au Nord mais ce concept "OMC" recouvre une réalité que la société civile méconnait : beaucoup de règles et de décisions de son Organe de règlement des différends (ORD) sont positives mais les Membres – surtout les pays développés, et d'abord l'UE et les Etats-Unis (EU) – refusent de les appliquer et le Secrétariat de l'OMC n'est pas habilité à faire pression sur eux s'ils ne se conforment pas aux règles ou aux jugements de l'ORD, en particulier de son Organe d'appel.</p> <p>Par exemple la poursuite contre le sucre de l'UE – où elle a été condamnée en appel le 9 avril 2005 sur plainte de l'Australie, du Brésil et de la Thaïlande – n'aurait pas eu lieu d'être si les jugements de l'Organe d'appel dans l'affaire "Produits laitiers du Canada" de décembre 2001, réitérés en décembre 2002, avaient eu une valeur de précédent juridique s'imposant aux Membres. Dans ce jugement de l'Organe d'appel il est fait référence 79 fois aux arguments dans l'affaire Produits laitiers du Canada, notamment : "L'Organe d'appel a constaté que le critère permettant de déterminer la valeur adéquate du LEC [lait d'exportation commerciale] était le coût de production total moyen, car ce critère représentait les ressources économiques que le producteur investissait dans le lait qui servait d'intrant pour la production de produits laitiers. Si le LEC était vendu à un prix inférieur à sa valeur adéquate – à savoir, son coût de production total moyen – des "versements" étaient effectués, parce qu'il y avait transfert de la partie des ressources économiques qui n'était pas reflétée dans le prix de vente du LEC. Dans le différend dont nous sommes saisis, le Groupe spécial a appliqué ce niveau de référence, à savoir le coût de production total moyen du sucre… Le sucre C est vendu sur le marché mondial à des prix qui ne couvrent "ni de près ni de loin" son coût de production total moyen". Il a ajouté, en se référant à l'affaire des Produits laitiers du Canada que "L'Organe d'appel a mis en garde contre le fait que "si le soutien interne pouvait être utilisé, sans limite, pour soutenir les exportations, cela compromettrait les avantages censés découler des engagements en matière de subventions à l'exportation pris par un Membre de l'OMC". Nous pensons que ces affirmations sont pertinentes en l'espèce. Dans la présente affaire, nous notons que le sucre C est produit et exporté en énormes quantités, et qu'il y a une différence importante entre le prix du marché mondial et le coût de production total moyen du sucre dans les Communautés européennes".</p> <p>Evidemment on ne peut pas attendre des petits paysans de la Via Campesina qu'ils aient l'expertise juridique pointue nécessaire pour analyser les jugements de l'ORD, d'autant que même les ONG de l'UE et ECVC n'ont pas d'experts en la matière (ma licence en droit m'a néanmoins permis d'analyser les jugements de l'ORD). Mais d'autres arguments doivent être ajoutés.</p> <p>C'est parce que l'agriculture n'a pas été sortie de l'OMC ou l'OMC sortie de l'agriculture que les pays en développement (PED) ont pu résister à la libéralisation des produits industriels et des services en exigeant d'abord de profondes réformes des règles agricoles de l'OMC, notamment sur les subventions (dont plus récemment sur les stocks publics de sécurité alimentaire). Comme l'OMC couvre désormais tous les secteurs de la vie économique, sociale voire environnementale, il est d'autant plus important que les PED y restent pour continuer à faire pression sur la nécessité de changer les règles agricoles en échange de leur consentement à d'autres activités. Et il est indispensable que les Ambassadeurs des PED à l'OMC continuent d'être soutenus par des analyses des ONG pour se battre pour leur souveraineté alimentaire.</p> <p>L'OMC est moins pire que les ALE (Accords bilatéraux de libre-échange, dont évidemment les APE avec les pays ACP), pour de nombreuses raisons, dont le fait que les décisions se prennent par consensus à l'OMC.</p> <p>Si l'on sort l'agriculture de l'OMC ou l'OMC de l'agriculture, il faudra une autre institution pour fixer les nouvelles règles sur les échanges agricoles et pour la doter d'un Organe de règlement des différends. On a souvent évoqué la FAO ou la CNUCED, voire le Comité sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA). Mais ces institutions ont les mêmes Membres que l'OMC et il n'y a pas de raison que ceux-ci acceptent à la FAO ou la CNUCED voire au CSA des règles agricoles différentes de celles qu'ils refusent à l'OMC. Et il faudra que la FAO ou la CNUCED, voire le CSA, se dotent de juristes experts des règles commerciales agricoles qu'ils pourraient instaurer, et on ne voit pas comment ils pourraient ne pas se référer à la jurisprudence de l'ORD de l'OMC, des "groupes spéciaux" ("panels" en anglais) et de l'Organe d'appel. On peut d'ailleurs se demander si la CNUCED n'est pas devenue plus libre-échangiste que l'OMC quand on voit qu'elle appuie la ZLEC (zone de libre-échange continentale de l'Afrique). La FAO elle-même ne voit le salut dans la lutte contre la faim que dans plus de transferts Nord-Sud et n'évoque pas la nécessité de relever les droits de douane dans les PED. Elle n'a pas non plus condamné les APE UE-ACP. Enfin il est plus que douteux de penser que les Etats (à commencer par les EU) acceptent de financer une nouvelle institution internationale.</p> <p>Le ROPPA a proposé de changer 5 règles à l'OMC pour permettre de refonder les politiques agricoles de tous les pays sur la souveraineté alimentaire : <a href="https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2015/12/Roppa-livret_sur_5_regles_de_l_OMC_a_changer_pour_la_souverainete_alimentaire.pdf" class="spip_url spip_out auto" rel="nofollow external">https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2015/12/Roppa-livret_sur_5_regles_de_l_OMC_a_changer_pour_la_souverainete_alimentaire.pdf</a></p>